Un dimanche matin. Le jour sélectionné par le dieu aimant, et sauveur, pour le repos de ses enfants. En ce jour où la plupart des commerces sont fermés et les uber-drivers plus cher; une certaine catégorie de masochistes se forcent à s'extirper des draps - en masse! - afin de se réunir à un certain endroit. Bien que "masochiste" soit le terme que Freya aurait employé dans sa jeunesse; il voit désormais plus ça comme une sorte de "stupide dévouement à une cause perdue". Les bons chrétiens des quatre coins de la ville choisissaient leur endroit préféré pour la messe. Les églises n'étaient pas rares, on peut en trouver dans tout les coins. On y vente une ambiance familiale, revitalisante, pleine de fraternité. Et pour ceux qui sont bien trop jeune pour comprendre ces histoires d'anges et de miracles; une version adaptée à leur compréhension se manifeste sous la forme d'une "école du dimanche". Les petites têtes blonde s'assieds donc pour un quart d'heure dans un espace clos en attendant que leur parents aient fini de prier, confesser leur péchés, ou parler dans une langue incompréhensible pendant les 10 secondes qui suivent ( - au moins ils avaient ça de commun avec les plus jeunes, spirituel ou non - ).

Et à l'occasion de cette fameuse "école du dimanche"; une demande spéciale avait été formulée. Réellement, rien de plus qu'une simple lettre parmi une centaine d'autres que le général des armées anti-doté françaises n'avait sérieusement pas envie de lire. Sa joue était affalée sur le bureau, ses yeux bleuâtres se concentrant sur une poussière particulière de son bureau. Cet amas de poussière était inacceptable, mais il n'y a rien qu'il pouvait vraiment y faire dans l'instant : toutes ces lettres avaient été sortit de sa boîte à lettres personnelle, qu'il ne lit généralement jamais. Pourquoi? Eh bien pour commencer, parce que plus de la moitié sont diverses menaces de mort et autres insultes. La plupart des informations concernant n'importe qui , peuvent être trouvés sur la toile, à disposition de personnes ayant suffisamment de temps libre pour s'attarder à crier sur l'une des nombreuses personnes horrifiantes de cette belle planète bleue. Outre les lettres agressives; il faut compter les problèmes du commun des mortels également : Les pubs, les sondages, lettres de "fans" (ou plutôt "enthousiastes d'armes").


Vlazkovica, l'assistante personnelle de Freya, prenait son travail très au sérieux. Parfaite jeune femme, toujours habillée de manière impeccable. Au final, il était si distrait et incapable de consacrer le moindre pourcentage d'attention à la tâche en cours, que ses mirettes d'azur rivèrent sur l'assistante plus que sur le tas de lettres poussiéreuses.

Au final ça n'avait pas pris plus de quelques secondes pour que sa vision de la poitrine de son assistante ne lui fasse oublier la balance qu'il conservait entre son coude et la main qui portait sa tête; le faisant glisser et se cogner le front contre celle-ci; un petit cri de douleur s'échappant de ses lèvres alors qu'il revenait à ses esprits. Tournant la tête, surprise; la beauté aux cheveux blancs et aux yeux bandés, donna son attention au petit homme.

- Mr.Warcadia, nous ne pouvons pas nous permettre de faire une pause supplémentaire. Nous sommes déjà en retard. Veuillez payer attention.
- Urgh. C'est mon courrier personnel que tu tiens dans tes mains, femme. Ce que j'en fais ne concerne que moi. Je peux les lancer dans la cheminée si ça me chante, alors baisse d'un to---
- Votre femme semblait soucieuse de votre temps de réponse à ses mails. Gérer votre boîte électronique est également une tâche de laquelle vous devez vous soucier. En ce qui me concerne, je préfère m'occuper des feuilles. Je pensais qu'ils vous apprenaient à prendre soin de vos contactes, dans l'armée.
- épargnes-moi tes sermons! J'ai des choses plus importantes à faire que répondre à ces stupidités. Fais-le à ma place, c'est pour ça que je te paye non?
- Le gouvernement me paye, Mr.Warcadia, pas vous.
- Espèce de----

Il était déjà prêt à exploser; mais un mouvement de la séduisante jeune femme le stoppa quasi-immédiatement. La lettre envoyée par l'une des églises de la ville, se trouvait maintenant à piquer le bout du nez du petit soldat; le forçant à fermer les yeux et laisser s'échapper un petit cri par surprise.

- Qu'est-ce qui va de travers avec toi !?
- "HIIII!" ; adorable, Mr.Warcadia. J'aimerais entendre ce cri à nouveau.
- ....Manigances.
- Vous comprenez rapidement. Votre image au niveau des médias est plus importante que vous ne l'imaginez. Cependant vous n'avez fait que l’entacher encore et encore. Il serait temps de faire une bonne action.
- Hexe.

Laissant s'échapper un grognement d'insatisfaction, le petit blond aux sourcils froncés se saisit de la lettre avec une certaine agitation. Il détestait être moqué de cette manière; mais il n'avait pas l'intention de lyncher son assistante pour autant. Il pouvait l'entendre ricaner silencieusement de l'autre côté de la pile. Fichues femmes.

Ce qu'il pensait être une lettre était en réalité plus une sorte de morceau de carton. Une invitation cordiale de la part de l'église pour parler aux enfants du merveilleux travail de "héros", et de leur implication dans le quotidien des habitants de Laurel. étrange. Il n'y a aucun doute sur le fait que cette invitation avait dû être envoyée à de nombreux autres Jokers avant de l'atteindre. Ils n'auraient pas pu prendre un pire exemple d'héroïsme que le légendaire "Ange de la guerre" pour représenter la bonté et bravoure des agents dotés de la ville. Une demande ridicule qu'il ferait très probablement mieux de jeter dans la corbeille. Et ce fut son initiative; alors qu'il plissa les yeux, faisant pivoter sa main pour préparer le lancement de la fusée "Paschrétien III" en direction de la planète-poubelle. Cependant; pour une femme aux yeux masqués, Vlaz était particulièrement rapide à l'empêcher de procéder. Elle avait saisit son poignet avant que ses doigts ne puissent lâcher prise sur le bout de carton; le prenant par surprise.

- Arrête de----

Et la lettre pivota en même temps que le poignet, le bout de carton ayant doucement se presser contre les lèvres du petit blond. Difficile d'être plus confus que lui dans l'instant; mais le fait que la jeune femme aux yeux bandés tenait l'autre bout du carton par ses propres lèvres, avait clairement un message à faire passer.

Tout en maintenant la carte entre ses lèvres, elle éclaircit ses intentions. Une teinte rosée inondant le visage du petit soldat.

- Je veux voir l'ange du petit matin, et le diable cette nuit. Mr Warcadia.
- .....Tch!!

Il tourna la tête, frustré et agacé.

Aussi répugnant qu'en soit ce fait; il devait admettre que de leur propre manière, les femmes sont redoutables.



Les cloches de l'église pouvaient être entendues de l'autre bout du quartier. Un son qui est l'un des seuls à pouvoir simultanément satisfaire et intensifier un mal de tête. Les quelques flocons de neige qui volaient paisiblement dans les environs; firent presque oublier au petit soldat; la présence du gigantesque dôme qui se trouvait au dessus de leur tête. Pas si différent d'un vrai ciel; mais le simple fait de connaître l'existence de la barrière suffisait à lui pourrir l'envie de flotter dans les cieux.

Un jeune homme et deux jeunes femmes surgirent alors de la bâtisse, apercevant le "héros" qu'ils avaient demandé. Il n'y avait pas réellement de date mentionnée sur le carton, ni une quelconque forme d'identification. Alors c'est avec le même niveau de préparation que Freya s'était manifesté à l'église : tel qu'il est; vêtu de ses vêtements de général militaire; casquette sur la tête et pistolet à billes à la ceinture.

Cependant, les salutations qu'il obtint ne furent aucunement celles qu'il avait imaginé.

- Eh bien petit bout de chou ! qu'est-ce que tu fais là toute seule? les autres sont déjà rentrés!
- Ma pauvre chérie, tes parents seraient terrifiés s'ils te savaient jouer si près de la route, viens avec nous!

...... Cette merde, encore. Souvent il oublie que sa précédente incarnation et l'actuelle étaient très différentes. Il aurait pu les incendier, les cogner dans l'estomac pour leur montrer quel "homme" il est. Mais il n'en fit rien. Les mots de l'assistante résonnaient dans sa tête comme un tube de l'été qui refuse de quitter votre cerveau. Du discernement et de la patience étaient requis - un vrai petit ange! pour la réparation de son image publique, et pour la destruction du derrière de Vlaziska!  D'une voix adorable, le petit blond s'exprima.

- Salutations! Je suis le Joker "Peace Maker"! Général Freya Warcadia. vous m'avez envoyé une lettre, vendredi de la semaine dernière. Navré pour le temps de réponse, je me suis dis que je viendrais directement au lieu de répondre en retard. ha ha ha.
- P...Peace Maker? est-ce qu'il y a vraiment un joker de ce nom?--si jeune--?.. hmm

Alors qu'il penchait la tête sur le côté, le petit monstre du champ de bataille laissait ses pensées les plus sauvages se déchaîner dans un coin de sa tête. Leur réaction intriguée confirmait que cette demande avait été lancée à n'importe quel joker, au hasard, et qu'il était probablement le seul à avoir "répondu". Le fait qu'ils ne connaissent ni son nom, ni son apparence, et probablement pas son passé, ne faisait que l'irriter un petit peu plus.

- Mes excuses! navré de vous déranger alors que vous devez déjà être si occupés, au centre des jokers. Mais dieu merci vous avez pris le temps de nous rendre visite! les enfants sont à l'intérieur, nous feriez vous l'honneur de leur apprendre les principes qui vous poussent à sauver nos frères et soeurs tout les jours?
- ....Avec plaisir.


C'était la première fois depuis bien longtemps que Freya se sentait si.... "à niveau" avec son audience. Il n'était que quelques centimètres au dessus de ces abominations de la nature qu'on appelle "enfants". Ils semblaient tous plus ou moins curieux de son apparence et de la raison pour laquelle "ce" même en particulier, avait le droit de porter une arme à sa ceinture. Malheureusement pour les deux occupants de l'école du dimanche, ils n'avaient pas plus de réponse à leur fournir que le monstre du champ de bataille lui-même. L'homme aux lunettes et à la barbe se décala sur le côté, posant une chaise au milieu de l'assemblée et incitant Freya à s'asseoir.

- Les enfants! aujourd'hui, mademoiselle Warcadia est venue nous rendre visite, afin de vous parler de son travail du quotidien. Elle est connue sous le nom de "Peace Maker"! une héroïne, une vraie de vrai!

à chaque fois que le mot "mademoiselle" ou que le pronom féminin était remis sur le court de tennis, une partie de l'âme et de la patience de Freya semblait être perdu quelque part dans la stratosphère. Mais la bataille pour la distinction des genres n'était pas celle qu'il était venu faire aujourd'hui. Se maquillant de son joli faux sourire, Freya s’adressa à la populace des gnomes braillards.

- Bonne matinée, jeunôts! Je---
- T'es aussi jeune que nous!
- *Je vais t'envoyer au peloton d'exécution espèce de marmot de merde* Oh, ha ha! les apparences sont trompeuses! je suis en réalité au début de ma trentaine---
- T'es vieille alors!
- *J'égorgeais des extrémistes quand tu nageais dans le bide du pachyderme qui te sert de mère; respecte moi!!* N-non, voyons, l'âge optimal pour payer ses taxes et être un booooon citoyen! je suis sûr que vos papas et mamans ont déjà passé cet âge là ! Mais ce n'est pas ce dont je suis venu parler. Vous  voulez en savoir un peu plus à propos de mon travail, pas vrai ? Les héros! ils sont connus sous le nom de "Jokers"! et ils sauvent les gens des mauvaises personnes, et préservent le sourire que vous avez sur vos *stupide* visages!

Les lèvres anormalement étirées, Freya se pencha légèrement en avant, posant ses mains sur ses genoux et commençant son récit.

- Vous voyez... ici, dans la maison du seigneur, on vous apprends à respecter la vie, et vos frères et soeurs. Les gens que nous affrontons, sont des envoyés du malin. Des démons! d'horribles monstres, qui veulent attirer vos amis et vos familles dans les limbes. Ils veulent faire du mal aux autres! avec des planches, des couteaux, des armes à feu! et nous, les Jokers, eh bien... oh, non, n'importe quel "Héros" vraiment...


Doucement les yeux de Freya s'ouvrirent, son ton virant doucement un peu plus grave au fil de ses paroles.

- On est exactement pareil!
- uh?..
- On a juste de meilleures raisons. Vraiment. Mon travail? Dans ma dernière vie, je me rappelle être sous les ordres d'un mégalomaniaque raciste qui s'amusait à amener des petits crétins comme vous dans des camions, vers des maisons où il les ferait travailler, puis fondre! Quel toupet pas vrai? J'aurais aimé le massacrer moi-même; mais mes "frères et soeurs" m'ont coupé l'herbe sous le pied avant que je ne puisse défecter par moi-même. à bien y réfléchir, peut être qu'ils étaient des héros. Peut être qu'ils n'ont fait que leur travail - après-tout vous êtes encore là pour en entendre les contes.

à la fin, le visage de Freya ne contenait plus une once de tendresse. Ses dents acérées comme les piques d'un piège à ours; se levant soudainement de sa chaise. Si soudainement en réalité, que celle-ci tomba en arrière, sous la surprise générale. Les enfants commençaient à être perturbés par le ton quasi-diabolique du petit blond, tandis que les deux adultes semblaient dors et déjà faire des pas en sa direction. Désormais il semblait plus se parler seul que s’adresser à une audience.

- Vlaziska, vraiment. Stupide femme. Me faire danser comme un pantin pour obtenir plus tôt ce que je finirais par obtenir de toutes manières? T'arrives 100 ans trop tôt pour me manipuler; me sous-estime pas, petite sotte..
- M--Merci beaucoup pour votre visite, Mlle War---
- Hey, gamins. Vous voulez voir à quoi ressemble un héros?

Cette petite aventure dans son propre cerveau avait l'air d'avoir complètement disjoncté le petit soldat qui regardait maintenant les enfants avec un air répugné. L'homme qui s'était approché dans sa direction se vit rapidement mis à terre. Si la plupart étaient terrifiés, certains des enfants semblaient penser qu'ils s'agissait d'une sorte de comédie. Mais les deux adultes comprirent clairement qu'ils n'avaient pas invité un petit ange ici. Le petit blond avait fait tomber le surveillant sans réellement l'attaquer - rien qu'une petite manipulation d'équilibre suivi d'une clé de bras; tout ça pour que finalement le Joker ne se retrouve au dessus de lui, sa botte pressant contre l'arrière de la tête de l'homme aux lunettes; le pistolet à billes pointé dans sa direction. La jeune femme commença à crier; mais la redirection du jouet, la fille taire.

- Les héros apprennent à devenir fort en étant attentif à ce que font les méchants. Mais étant donné qu'on obtient notre savoir de mauvaises personnes, alors au final, les héros sont également des méchants. Par exemple, imaginez que Mr.Quatre-yeux soit un criminel de la mafia. La mafia, ce sont des méchants. Si je les punissait de la même manière qu'ils le font, est-ce que je serais un méchant ou un héros?
- Un héroméchant!
- Tu as totalement raison, gamin! Les imbéciles jettent les méchants en prison, mais les vrais héros, ne meurent laisse même pas cette chance! Alors est-ce que je devrais utiliser mes connaissances de héros pour punir le vilain mafieux?
- M....Mademoiselle Warcadia, s'il vous plait...
- D'abord, ils forçaient leur victime à mordre le béton. Puis ils écrasaient l'arrière de sa tête sur le rebord pour leur briser les dents. Trois tirs dans le dos. Est-ce que je devrais vous montrer comment est-ce que la véritable justice est délivrée, les enfants?... Est-ce que je devrais démolir les dents du méchant mafieux, puis le trouer comme une passoire ?


Un long silence passa dans la pièce. Personne n'osait dire ou faire quoi que ce soit tant que le petit blond maintenait cette position. Le regard qu'il donnait à l'assemblée d'enfants était absolument terrifiante; comme s'il essayait de les convaincre que ces idéaux de noblesse n'existent simplement pas. La description même de ces "démons" dont on leur parlait.


Mais après quelques secondes, le petit blond se mis à sourire de manière angélique, rangeant son arme en plastique à sa ceinture, et tendant la main à l'homme barbu pour l'aider à se relever.

- J'étais convainquant? Hahaha ! Je suis un héros, il ne faut pas perdre confiance si facilement! mais il faut toujours être sur ses gardes de quiconque on invite! C'est la leçon du jour, les enfants! Les méchants sont partout, il faut faire très attention, hahahaha! Désolé si je vous ai fait peur! je ne fais que vous apprendre des leçons de vie!

Doucement les visages inquiets firent place à des rires.. mais les deux adultes étaient clairement désorientés. Coincés entre l'état dubitatif, et être simplement entièrement terrifiés. Mais les enfants chantaient le nom "Peace Maker" dans la classe; rendant leur nouvelle "bonne humeur" contagieuse aux visages des deux religieux.


Adossé à l'église, le petit ange du champ de bataille mâchouillait un cigare cubain. Il s'était isolé de la populace après avoir fait de son mieux pour convaincre l'assemblée qu'il ne s'agissait que d'une représentation, une "mise en garde".. probablement l'un des seuls avantages que son apparence innocente pouvait lui procurer. Berner les gens au cœur pur était tout particulièrement simple.  Si simple, en réalité, qu'ils n'avaient même pas réalisé que deux entités de la guerre se trouvaient dans leur bâtiment au même instant.

Bien qu'ils ignoraient absolument tout l'un de l'autre... il y a une odeur qui marque un être vivant pour l'éternité. La pestilence que procure le sang d'autrui sur son âme. Une odeur nauséabonde que seuls les plus dérangés sont capables de trouver attrayante. Une odeur que portait le vieil homme qui venait tout juste de passer les portes de sortie de l'église. Une odeur qui amena le regard des deux hommes à se croiser; avec un sentiment de confusion et de méfiance mélangés.

Finissant son cigare, le petit blond écrasa celui-ci sur le sol, sous sa botte.

Ce type empestait le pécher, au moins autant que lui. alors que faisait-il dans un lieu de culte? une telle hypocrisie, amenait un beau sourire narquois sur les lèvres du petit soldat, qui pris l'initiative de s'amener dans sa direction avec une phrase ambiguë.

- Quelle magnifique matinée!! Gloire à dieu! hein! ahahahaha! Hallelupa!

Malheureusement, son don ne soignera jamais sa réticence envers l'église, et son incapacité totale à imiter un bon chrétien..

Peut-être qu'il s'était mépris sur l'identité de son interlocuteur. Ce ne serait pas la première fois, forcément, mais ce n'était pas évident non-plus. Loin de là, en réalité : cet homme semblait être plus qu'à cheval sur les morales. Définitivement pas une habitude que l'on voit souvent exhibée par ceux qui ont tenu une arme récemment. Comme son apparence le suggère, il était sûrement déjà hors-course. Mais entretenir un débat de justice sociale était loin d'être le forté de Freya. Après-tout, il était sensé être un petit ange aujourd’hui, s'il voulait larguer un peu de leste sur la montgolfière trouée que symbolisait sa réputation. Même si franchement, son esprit visait un tout autre type de ballons, que le genre qui vole dans les airs.

Il fronça un sourcil en conservant son rictus déplaisant. L'hypocrisie de ce type n'était pas si différente de la sienne, au fond, ils ne faisaient que jouer de deux côtés différents de la court des menteurs.

Cela dit, le vieil homme semblait avoir dors-et-déjà fait l'amalgame entre l'organisation des Jokers et cette petite anomalie de malice que représente le général des forces anti-dotés françaises. Ce qui levait une question dans l'esprit de Freya – est-ce que la populace en savait aussi peu sur ces « Sauveurs » ? Il semble qu'une majorité ai l'air de penser que ces bienfaiteurs sont des saints, au lieu d'opportunistes. Une grave erreur que le petit militaire avait bien essayé de corriger, quelques minutes auparavant. Mais il ne perdait rien à donner une seconde représentation – entretenir un dialogue de sourds n'est pas si différent de tenter d'esquiver un sermon de son assistante personnelle : on peut toujours essayer.

Fermant un œil et penchant la tête sur le côté ; le petit blond pris une pose hautaine, paumes tournées vers le ciel et épaules relevées ; à l'air d'indiquer une évidence.

- Naïf. Il y a vraiment peu de choses qui séparent ces « Jokers » de la mêlasse qui rends cette ville aussi nauséabonde. Je suis sûr qu'il y a bien plus d'entre eux qui sauraient tenir un discours respectable. Malheureusement, vieil homme, je ne crois pas en leur prétention d'altruisme. L’honnêteté n'est qu'un euphémisme pour l'hypocrisie.

Et considérant l'odeur qu'il dégage, il ne devait pas se trouver très loin de l'autre côté de la barrière des morales également. Peut être pas récemment ; mais quelqu'un qui a déjà tué, ne récupère jamais vraiment sa pureté. Ceci-dit ; son apparence suggérait déjà que même s'il était toujours actif, son âge avancé le tiendrait en laisse. Il n'y avait aucune raison de s'inquiéter à une quelconque forme de réprimande.

En réalité, ça commençait même à l'amuser. Sa frimousse souriante se définit un peu plus à chaque secondes, alors que ses mains allaient maintenant se poser sur ses hanches.

- Trouves-moi cinq héros qui se battent pour le sourire des enfants, et je t'en montrerais quinze travaillant pour une paire de cuisses faciles et le blé. Jokers, Militaires, Mobsters, Vigilantes.. Tiens une arme, et tout le monde est au même niveau. Les Jokers sont simplement mieux couverts socialement. Si tu veux voir un vrai act d'hérosime ; payes une visite au centre de pompiers le plus proche, achètes leur calendrier.

Son petit sourire prétentieux finis par se transformer subtilement en une grimace haineuse, alors qu'il se préparait à lui tourner le dos ; laissant flotter par dessus son épaule quelques paroles médisantes.

- Ils te donnerons sûrement un bon pour ta crémation, papy. Moins de frais à payer pour tes petits enfants, l'année prochaine.

Malheureusement, Freya semblait oublier que son assurance, était particulièrement frêle, dans le monde des civiles.

Ce sentiment qui rappelle celui que l'on ressent quand nos os sont éclatés en morceaux par l'explosion d'une grenade à proximité. C'était très similaire. Si similaire en réalité, que ça avait extirpé le petit blond de sa vision du monde réel pendant quelques secondes. Le ciel était devenu gris, pollué, remplis d'avions de combat. Le souffre dans les airs, piquait ses yeux ; et amenait une larme au coin de son œil. Ce n'était pas une grenade à fragmentation, mais bien une pression directe contre ses côtes. Cependant... ce n'était pas le champ de bataille. Couché sur le sol, le vieil homme au dessus de lui, il semblait qu'il venait d'involontairement se jeter dans un nouveau scandale. Mais bien pire que ça – ses vilaines habitudes de prendre la vie civile à la légère ; eut une fois de plus raison de lui. Freya n'était pas équipé d'un quelconque équipement militaire autre que sa tenue d'officier ; ce qui signifiait que l'enchantement destiné à faire de lui la machine de guerre tant crainte par l'ennemi.... n'était tout simplement pas présente. En clair, sa résistance physique, à l'heure actuelle, devrait se situer entre celle d'un lycéen, et un enfant de huit ans. Ça faisait relativement longtemps que Freya n'avait pas ressenti ce degré de douleur en une seule fois. La puissance d'un homme d'âge mûre, cognant un corgi nain très hargneux.


L'arrière de son crâne fit un bond contre le sol glacé. Un air très confus et alerté s'affichant sur le visage du gnome sadique ; comme s'il avait encore quelque peu de difficultés à enregistrer la situation. Un poing dans la face, accéléra quelque peu le processus de compréhension – Il se faisait savater la gueule ! Carrément ! Il ne pensais pas que de tout les endroits où il aurait pu se mettre dans le pétrin ; une église pleine de croyants inoffensifs, serait le lieu idéal pour se faire cabosser le visage. Les phalanges du vieillard s'écrasant contre la joue de la poupée de porcelaine, avaient laissé une belle marque rougeâtre ; surtout à répétition. Un miracle qu'il n'ai pas perdu une dent – ou peut-être étais-ce grâce au peu de résistance physique que ses vêtements enchantés lui offraient. Une grâce qui n'allait pas tarder à l'abandonner vu que son chapeau avait décollé de sa tête à la seconde pelletée de patates ; réduisant encore un peu plus l'effet anesthésiant de son don.

Une partie des choses qui avaient permis à Freya de se lancer si loin dans la conquête des champs de guerre, venait grandement de sa capacité à supporter des douleurs qui enverraient n'importe qui six pieds sous terre... mais dans une situation où son équipement est similaire à celui d'un protagoniste de Dark Souls au début de son aventure ; il n'y a pas énormément de distance entre les dégâts des poings d'un homme mur, et encaisser un obus à bout portant.

Et s'il y a une douleur que Freya a du mal à supporter en série, ce sont des obus dans la face. Instinctivement, ses yeux s'étaient emplis de larmes. Il pouvait à peine entendre le vieillard beugler sa rancœur personnelle ; celle qui le poussait à s'élancer sur le représentant le plus hargneux de la communauté naine. Mais le son des poings brutalement assénés, et la rage du petit blond, couvraient quasi-entièrement ses dires.

Ses doigts semblaient – entre deux chocs – tenter d'attraper le pistolet en plastique. Peut-être que blesser un civil allait faire une sacrée tâche sur sa réputation – qu'il était venu soigner, à la base – et clairement n'était pas souhaitable, mais nécessaire.

- PETIT.

Et une autre salade de phalanges droit dans la joue plus rouge que les fesses d'un babouin, et plus ensanglanté qu'un film de Tarantino. Mais celle-ci fut probablement de trop – les doigts du petit blond n'étaient qu'à quelques centimètres de la gâchette ; tremblants...

- FILS !


Et ce fut probablement le coup de trop, autant pour le vieil homme que pour le nabot : l'annulaire de Freya venait d'arriver à destination ; mais le spasme causé par l'attaque, fit quelque peu mêler le rythme cardiaque du petit blond, à son taux d'énergie magique compressée dans la bille du pistolet (qui se trouvait toujours à sa ceinture). Le résultat en fit particulièrement... explosif, au sens propre du terme. Un enchantement un peu trop fort qui causa au pistolet en plastique d'être chargé jusqu'à la brime ; puis décida de tout simplement ragequit l'existence via une jolie explosion multicolore et étincelante. L'effet fut aussi désastreux pour l'un que pour l'autre – le militaire fut expulsé à l'autre bout de la rue avec une énorme marque de brûlure sur la cuisse, et le vieil homme fit quelques galipettes vers l'église jusqu'à ce que son dos ne renfonce les portes vers l'intérieur. Une entrée dramatique, quasi-divine, si on prends le compte que l'explosion eut rôti quelques poules de la basse-court d'à côté, faisant voler les plumes  au dessus du vieux monsieur aux cheveux blancs, devant l'assemblée de croyants.

Une scène pour le moins...théâtrale. Si l'on peut passer outre le fait qu'en extérieur, ceci est absolument ridicule ; Il y avait un certain charme religieux à cet affrontement. L'homme aux cheveux blancs, couché à l'entrée de l'église, entouré de plumes blanchâtres. Et de l'autre côté, allongé dans les résidus enflammés de son pistolet en plastique ; un petit démon aux yeux bleus, couvert de sang et de brûlures.

- P'tain de vieillard de merde--....

La douleur était suffisamment intense pour donner à Freya l'envie de recracher son déjeuner. Mais il était plus résistant qu'il n'en laissait paraître. Un simple coup d'oeil à sa main droite lui fit réaliser que ce fiasco avait également brûlé sa main au point où son gant d'officier était aussi parti en flammes.

En somme, il ne lui restait plus que ses bottes et sa main gauche, comme argument de ténacité. Un adversaire redoutable, vraiment. Freya avait combattu les meilleurs soldats et les plus grands dictateurs, participé à des centaines de milliers de missions suicidaires.. et en ce jour ; son plus grand adversaire était un vieux décrépit de gauchiste à la con, désarmé et idéaliste. Vraiment une époque triste pour Peace Maker.

Il crachat quelques gouttes de sang avant de s'essuyer le visage avec le revers de sa manche. Si sa raison lui disait de prendre la fuite ; sa fierté, elle, criait dans le micro avec les boomers à fond la caisse. Il n'allait pas prendre la fuite, il allait s'assurer que ce vieillard regrette de s'en être pris à lui.

Serrant les poings, le petit soldat afficha un sourire narquois, quelque peu heureux que toutes ses dents soient toujours bien en place, et fier de le montrer.

- T'as pas l'air de comprendre à qui tu t'attaques, papy. Je suis un Joker, un représentant de la justice. Peu importe que mes actions soient justes ou non ; au final , c'est toi que le journal du matin suivant démonisera.

Une triste vérité qui ne peut être inchangée. Au final, les médias ne se basent que sur ce qui paraît évident. L'addition de quelques baratins pour couvrir l'histoire un peu plus, suffira à tourner ce vieil homme en une entrée dans la longue liste de civiles ayant attaqué Freya en revanche de ses crimes de guerre. Cela dit, le bon sens du petit militaire, encore une fois, n'avait pas beaucoup de portée sonore dans sa petite tête. Il aimait laisser son sadisme avoir le dernier mot ; et sa témérité, le débat tout entier.

Alors il fit un pas en avant, voyant le vieil homme se lever difficilement. La voix quelque peu perturbante de Freya énonçant les faits falsifiés à une tonalité suffisamment élevée pour que les quelques fidèles du coin, servent d'audience.

- My, my... un autre terroriste s'attaquant à un lieu de culte ; ou bien étais-ce une rancœur personnelle ? Quel toupet, faire sauter une grenade dans ta propre main pour m'ôter la vie et celle de tout ces pauvres, paaaauvres innocents. Heureusement que j'ai pu la stopper avec mon propre corps, ou bien tu aurais eut raison de nous tous.

Mentir n'est rien de nouveau dans le monde du drame. Il ne connaissait ce vieux ni d'adam ni d'ève de toutes façons. Mais le fait que l'odeur de la guerre soit attachée à lui, suffisait à confirmer au petit soldat ; Que le vieil homme n'était pas inconnu aux falsifications de faits sur le champ de bataille.

Son poing gauche s'illumina alors d'une faible lueur jaunâtre. Le gant de soie était maintenant enchanté d'une partie infime du don de Freya, sur un sens offensif plus que défensif, contrairement au reste de ses vêtements. Peut-être allait-il s'offrir le luxe d'offrir quelques mandales en retour.

- Mais n'ayez pas peur. Les jokers sont là pour vous protéger !

Et cette fois, il fut celui qui s'élança en premier vers le vieil homme. Conscient que le vieillard n'allais pas simplement se laisser cogner, il anticipa un léger décalage sur la gauche ; changeant la trajectoire de son coup de poing enchanté ; dépliant ses doigts pour changer cette vilaine baigne en une prise soudaine. Les doigts du petit blond se mirent à se serrer sur le bras droit du vieil homme ; avec un élan suffisant pour lui faire perdre l'équilibre. Un pas en avant dans sa volée; il lui suffit de pivoter un peu sur lui-même pour faire tourner le vieillard à armes égales, l'envoyant écraser son visage contre l'armoire qui contenait les quelques bibles libre d'achat.

Une étrange façon de lire un livre, mais quelques bouts de verre logés sur le visage, allaient peut-être aider ses yeux fatigués à trouver la parole de dieu, quelque part.