Sale Pressentiment

Les policiers avaient achevé de m’interroger sur ma mésaventure avec Lilly. Tout allait pour le mieux, en tant que jeune ado gringalet et prépubère, je n’étais absolument pas suspecté en comparaison des terribles junkies qui nous avaient assaillis. Leurs élucubrations à propos d’un démon roux qui aurait trucidé les leurs n’avaient absolument pas été retenues, pour mon plus grand plaisir.

Une nouvelle fois, on me relâcha sans poser de questions, tout en me dirigeant vers une assistante sociale afin de me trouver un doux foyer.

En théorie ! Hehe, j’vais pas me laisser mettre en cage si facilement !

Tandis que je traversais les locaux du commissariat, je sentis comme un regard acéré s’ancrer dans mon dos tel un mauvais sort. Plus j’étais proche de la sortie, plus je frémissais sous son poids terrible qui transperçait ma colonne vertébrale.

Quelqu’un m’observait…

D’une manière qui n’était absolument pas à mon goût, comme si cette personne m’avait reconnue. Comme si elle avait eu l’idée de fouiner dans de vieilles affaires non résolues où des témoins mentionnaient le fameux « démon roux » …

Nan. Mes erreurs de débutant datent d’il y a bien trop longtemps. Personne ne peut faire le rapprochement. Personne. C’est impossible.

Et pourtant ce regard accusateur était bien là. Tendu, je cherchai à l’éliminer en grillant nonchalamment une cigarette. Je tentais en vain de me calmer en jouant avec la fumée tout en mettant le plus possible de la distance entre ce regard et moi.

Tu deviens paranoïaque mon vieux, c’est cette gamine, elle t’a rendu fragile, t’a tourné la tête ! Maintenant que t’es sorti de ce pétrin tu es enfin redevenu un fantôme, alors te prends pas la tête, personne ne fait attention à un ado paumé !

Alors pourquoi est-ce que j’suis comme sous l’emprise d’une malédiction poisseuse, hein ?

En face du commissariat, il y a une sorte de petit espace vert avec deux trois bancs, des arbres, une petite pelouse. La cachette idéale pour réfléchir en paix le temps de voir si quelque chose bougeait dans le poste de police. J’me fais sans doute des idées, avec tout ce qui se passe à Laurel, les flics n’ont pas le temps de s’amuser à sortir la vieille paperasse, surtout pour une affaire aussi banale que des drogués attaquant des enfants perdus.

Nan, y a vraiment rien à craindre.

Mon corps demeure cependant alerte, prêt à détaler au moindre indice de danger, au moindre volt de trop dans cette tension à découper au couteau.

Des corbeaux font entendre leurs voix rauques dans le parc, difficile de ne pas devenir superstitieux lorsque l’on est en proie à une panique montante sans avoir le moindre indice de ce qui la provoque.

Aurais-je commis une grave erreur en ne retournant pas directement dans l’un de mes terriers ?

Quoiqu'il en soit, si danger il y a réellement, je ne devrais pas tarder à en avoir le coeur net...

T'es vraiment trop sensible mon p'tit Neil... Franchement, j'parie c'que tu veux que tu t'fais du mouron pour rien !

Codage par Libella sur Graphiorum