Il était perdu.

Déboussolé.

Hotaru, Neil, Little Devil… Tous ces noms, toutes ces identités le torturaient, tiraillaient ses entrailles de part en part jusqu’à en faire une bouillie immonde d’anxiété, de sentiments refoulés, et surtout de vide.
Sa façon de vivre lui avait prodigué un trou béant qu’il avait beau essayer de combler avec des histoires de rédemptions ou de vengeance, rien n’y faisait, ce gouffre ne faisait que le dévorer un peu plus chaque jour.

Il était épuisé.

Anéanti.

Le rouquin s’était même embarqué dans un délire religieux. Et puis quoi encore ? Il n’avait plus rien à sauver, plus rien à compromettre. L’au-delà n’est pas pour les coquilles vides.
En revanche, les déchetteries, si.  Et c’est exactement là où un moine l’avait trouvé, puis traîner hors des déchets pour le plonger dans une bassine et dans des sermons infinis sur à quel point il était jeune, à quel point il gaspillait sa vie et bla-bla-bla.
Décidé à rester muet jusqu’à ce que l’autre tondu lui lâche la grappe, celui-qui-avait-trop-de-noms profita de cette séquestration pour faire le point. Bouche cousue, il imitait le moine lors de ses repas, ses méditations. Il s’amusait à le singer, pensant que puisqu’il n’était plus que l’ombre de lui-même et que c’était bien trop perturbant, autant être celle du bon samaritain. Le type trouvait même ça émouvant d’avoir un petit poussin attitré.

Les semaines passèrent, le jeu du chat et de la souris prit une autre envergure.
Le paumé, ne voulant pas perdre cette bataille de nerfs, suivit le moine dans une petite pièce. Le silence, à couper au couteau, fut interrompu par un ronronnement électrique assez désagréable.
Tout devint limpide, aussi clair que le reflet du criminel dans le crâne du religieux.

C’était l’heure de la tonsure.

Était-il prêt à sacrifier sa crinière seulement pour agacer un homme de bien ? Était-il prêt à pousser cette façon d’oublier ses problèmes à son paroxysme ?

Était-il aussi stupide ?

Hé bien…

Oui.

L’adrénaline fit danser sa vue au rythme de ses tempes tandis que peu à peu, les mèches rousses prenaient leur envol pour s’éparpiller tout autour du jeune homme.

Un souffle frais se fit ressentir sur son crâne, tout comme une sensation de légèreté aussi agréable que troublante.

Chauve.

Il était devenu chauve.

Heureusement qu’il n’y avait pas de miroir dans le temple, il aurait probablement perdu son sang-froid. Malheureusement pour lui, il surprit le moine esquisser un brin de sourire.

Le flot de mèches rouge au sol colora soudainement les lieux, s’empara de sa vision, et en un instant, le sol de la pièce se métamorphosa en pataugeoire. Neil, la tondeuse inexplicablement dans sa main, se tenait debout, seul, au centre de la pièce.

Il soupira, puis se dirigea vers la sortie, se lava sommairement à un robinet, se changea en prenant une tunique posée à sécher sur une corde à linge, et se dirigea vers la ville.

Une seule idée en tête : Trouver un moyen de ne plus afficher une calvitie.