Après m’être enfuie de chez Caïn, totalement effrayée et paniquée face à son cauchemar, je m’étais enfui jusqu’à ma maison. Là, au lieu de vérifier si toutes mes affaires étaient encore présentes comme j’en avais l’habitude, je m’étais cachée sous mon lit. Ce dernier était comme dépouillé de tous les draps qui se trouvaient en dessous. Maman m'avait demandé de l'attendre sous le lit. Alors, c’était ce que je faisais le plus possible. Mais pour que ce soit plus confortable, j’avais mis tout ce que je pouvais pour avoir chaud et être bien. Il y avait aussi mes peluches et jouets que je traitais comme mes amis pour ne pas me sentir trop seule dans cet espace qui se trouvait loin de tous ceux que j’aimais. Et comme, justement, il n’y avait personne pour me rassurer, j’avais prit une de mes peluches dans mes bras en me pelotonnant sous mes couvertures et  m'empêchant le plus possible de sangloter. Pendant de longues heures j’avais senti mon visage être noyé par des larmes alors que la peur me faisait gratter mon avant-bras au point que ce dernier fut tout rouge, presque brûlé par mes ongles qui avaient bien poussé depuis que maman était partie. J’avais eu beaucoup de mal à m’endormir contrairement à d’habitude. Et lorsque je le pus, ce fut en étant si angoissée que je ne cessai de me réveiller en pleine panique.

Il me fallut deux gros dodos pour me calmer totalement en étant cachée. Mais je ne sortis pas pour autant dehors. Je n’avais pas faim, maman n’étais pas revenue, et j’étais effrayée à l’idée que le cauchemar de ce gentil monsieur devienne réalité. Cette violence… Elle n’était pas réelle, n’est-ce pas ? Je ne voulais pas qu’elle le soit. Alors, je pris le temps de m’en convaincre encore et encore jusqu’à ce que la faim soit insupportable. C’est donc après être restée pendant cinq dodos sous mon lit que j’en sortis enfin. Tranquillement, très calme, je me mis à vérifier que tout était à sa place, puisque je ne l’avais pas fait plus tôt. Heureusement, rien n’avait disparu. Maman serait contente, c’était sûr ! Puis, je pris des habits que j’enfilai avec quelques difficultés. Je sortis donc vêtue d’un pantalon bleu foncé que maman appelait “jine”, un pull bleu presque noir avec les bords gris sur un tee-shirt blanc. En chaussures, j’avais prit des bottes en caoutchouc noir que j’avais mit au-dessus du pantalon avant de mettre un manteau gris tout doux dedans et sortir dehors. Il ne faisait pas très froid, mais je n’avais pas chaud non plus. Alors, c’est en trottinant que je me mis à chercher un rêveur en espérant qu’il soit facile à trouver. Il faisait encore jour, mais je pouvais parfois manger les rêves des animaux comme des chats ou des chiens quand ils n’étaient pas trop loin. Mais là, ce fut comme si tout le monde avait décidé d'attendre que le ciel devienne noir. Pourquoi ? Ils n'aimaient pas faire dodo quand le soleil était là ? Maman me disait pourtant que ce n’était pas bien de ne pas dormir un peu même quand il était là. Mais elle n’était pas là pour m’expliquer et je ne savais pas où était monsieur Caïn. Alors, je continuai de chercher.

Finalement, je finis par arriver à la ville basse. Je n’étais que très peu souvent venue là. J’avais eu de la chance que des personnes m’emmènent parfois avec eux ou ne pas avoir à m’éloigner de la maison. Mais, là, je n’avais pas eu le choix. Et  j’avais rapidement senti une odeur sucrée. Toute contente, j’avais suivi cette odeur qui n’était pas tout près. Heureusement, en arrivant proche d’un vieux monsieur au nez rouge, je pus voir qu’il n’était pas sur le point de se réveiller. Alors, je m'assis pris de lui et me mis à manger avec appétit, quoique longuement. Le monsieur était en train de rêver d’une dame qui le câlinait en lui parlant comme l'avait fait ma maman avec moi avant qu’elle ne soit plus là. Un garçon plus grand que moi les rejoignit quelques minutes après le début du rêve, dans la maison qui était très jolie et chaleureuse. Tous les trois étaient dans un salon et discutaient très joyeusement de ce qu’ils pourraient faire bientôt. Avant, on parlait comme ça. J’étais triste, mais je continuai de sourire grâce au sentiment de joie qui découlait de ce rêve dont je devenais la gardienne. Mais comme le monsieur semblait plus jeune, c’était passé, non ? Pourquoi le monsieur pensait à un truc qui ne se ferait plus ?  Je ne comprenais pas trop. Et c’est sur ce sentiment que je repris conscience dans la réalité, un peu perdue.

Devant moi se trouvait un homme très grand  aux longs cheveux gris était accroupi et me regardait. Il ressemblait à maman quand elle essayait de comprendre quelque chose. Sauf que lui me regardait fixement et ne tarda pas à me demander plein de questions d’un coup. Sur le coup, je ne compris rien du tout puisque je venais de me réveiller. Pourtant, très rapidement je me mis à sourire de toutes mes dents et lui répondis joyeusement comme si la situation était normale :



Doucement, je me mis à compter sur mes doigts comme maman m'avait apprit à faire. Puis, montrant les cinq doigts sur ma main, je répondis fière de moi :



Je le regardai un instant avant de lui demander, curieuse mais toujours souriante :



Je me demandais aussi pourquoi il voulait savoir où étaient papa et maman, mais on me le demandait souvent. Alors, je pensai que j'aurais rapidement la réponse à cette question sans avoir à la poser. Une bonne chose que j’ai déjà vécu ce genre de situation plein de fois.

Je ne compris pas pourquoi le monsieur se releva quand je lui eus posé mes questions. J’allais faire pareil que lui en pensant qu’il allait partir. Mais en le voyant prendre une pause semblable à celle de mon papa quand il me disait qu’il était trop fort pour que les méchants puissent le battre, je me mis à rire. Mon papa était trop génial en faisant ça, mais le monsieur me semblait bizarre, ce qui était très drôle. Ce le fut encore plus lorsque je l’entendis me citer plein de trucs dont je ne compris que la moitié. Je ne me moquais pas, mais je ne pouvais pas m'empêcher de le faire, réellement amusée. Comment pouvait-on pouvait avoir autant de nom et de choses à faire en même temps ? J’avais comme l’impression que c’était une blague agrémentée par une belle pose comme le faisait mon papa. Je n’étais pas vraiment consciente du sérieux de cette présentation avant qu’il reprenne en me demandant de juste le nommer “Kiyo”. Je me levai alors et sourit en lui répondant un “d’accord” tout joyeux. Puis, comme le faisaient souvent papa et maman quand ils prenaient le temps de m’expliquer les choses, monsieur Kiyo s’accroupie devant moi avant de reprendre la parole. Il m’apprit alors qu’il avait entendu parler d’un mangeur de rêve qui était par ici et il m’annonça l'avoir trouvé. Sans faire le lien avec moi, je crus corps et âme qu’on avait retrouvé mon papa qui jouait à cache-cache. Mes yeux brillèrent alors d'espoir alors que je continuais d’écouter le monsieur sans l’interrompre. Après tout, comment le couper alors qu’il me proposait de manger un goûter humain ? Tout heureuse que j’étais, j’eus un peu de mal à faire le tri dans les informations qu’on venait de me donner et dans ce que je voulais dire. A vrai dire, je voulais tout dévoiler ce que je pensais en même temps. Je n'eus pas le temps de prendre une décision puisqu'il le fit pour moi, annonçant qu’on allait voir son copain.



Sans le dire, je me mis à espérer que c’était monsieur Caïn et que je pourrais faire deux choses : m'excuser de ne pas avoir mangé son cauchemar qui m'avait fait très peur et réussir à le faire sourire vraiment cette fois. Savoir que ce n’était pas lui alors que je m’étais mise à penser à ce que je ferais en le voyant je fus déçue. Cela dû se voir sur mon visage le temps d’une seconde ou deux, mais mon sourire revint très rapidement. Je n’étais pas seule, j’allais parler avec de gentils monsieurs et je venais de manger quelque chose de bon. Comment aurais-je pu être triste dans ces conditions ? D’ailleurs, me rappelant assez vite de la proposition qui m'avait été faite, je demandai joyeusement en trottinant à côté de lui :



Est-ce que les magasins étaient encore ouverts ? Ou il allait m’amener chez lui ? J’espérais que je pourrais partir facilement à la maison en tous cas parce que je ne voulais pas inquiéter maman. Le monsieur avait dit qu’il voulait me parler beaucoup. A quel point ? Et pourquoi ? Il voulait me parler de mon papa ? Il savait où il était ? Et il savait où était partie maman ? J’avais beaucoup trop de questions et il me semblait qu’il allait un peu vite pour moi pour que j'arrive à parler plus sans m’arrêter. Je finis donc par prendre fermement dans ma petite main un pan de son vêtement le plus accessible sur le moment (manteau, pantalon ou manche) pour avoir son attention. C’était doux… Très doux ! Mais ce que je voulais le plus n’était pas de toucher ce tissu trop doux, mais ce que je lui demandai, légèrement essoufflée, ce que je cachai derrière mon sourire :



Pour insister, involontairement, je le lâchai et levai mes deux bras vers lui pour qu’il puisse me porter plus facilement. A vrai dire, je ne m'attendais pas du tout à un refus de sa part. Ce n’était pas possible, puisqu'il était très gentil comme mon papa.

Très vite, monsieur Kiyo m’apprit que son copain s'appelait Inari et qu’il était amoureux des autres monsieurs. C’était trop bizarre pour que je m'empêche de rire. Papa et maman m'avaient dit que les garçons pouvaient être amoureux des filles, mais ils n'avaient pas dit qu'avec les garçons c’était aussi vrai. Alors je crus qu’il disait ça pour rire pour embêter son copain qui pouvait s’énerver si on le lui disait. Pour moi, c’était juste une plaisanterie à faire pour le monsieur qu’on allait voir parce que ça allait être drôle. Je réfléchis donc un peu à ce que j’allais pouvoir dire à monsieur Inari quand j’allais le voir et quelle tête il ferait. Cela m’empêcha de voir le ciel qui devenait noir et les gens autour de nous ou ce qu’ils faisaient. De toute façon, en les voyant je n'aurais pas compris leur vraies intentions, pensant qu’ils étaient juste énervés ou qu’ils voulaient faire comme ceux qui voulaient retrouver mon papa et ma maman. A moins qu’ils ne soient seulement comme monsieur Caïn. Si j’avais fait ce genre de lien, alors j'aurais tenté de tout faire pour leur redonner le sourire sans lâcher cette idée peu importe ce qu’on me dirait. Ma maman savait comment m'empêcher de suivre mes idées jusqu’au bout, mais comme elle n’était pas là il n’était pas sûr que j'aurais écouté ce qu’on me dirait. Heureusement, cela ne se passa pas. Mais monsieur Kiyo sembla être sur ses gardes, ce qui était trop bizarre.

Me rappelant de la proposition de manger une glace, je lui demandais si je pourrais en manger une en lui parlant de mes préférées. Quand il me dit que les magasins étaient fermés, je crus que ce n’était pas possible et je ne pus savoir ce qu’il allait dire après puisque je lui demandai de me prendre dans ses bras. Sa surprise alors que je lui avais simplement pris la manche m’avait un peu fait peur, mais je ne voulais pas voir monsieur Kiyo comme un méchant. Il ne l’était pas, j’en étais totalement sûre. Alors, je ne montrai rien et restai sur ma demande que je lui dis. Je n'eus aucun regret puisqu'il se baissa et me mis sur ses épaules et se remit à marcher sous mes rires de joie. Et quand il m’appela “Simone”, je lui répondis en rigolant encore :



Voulant vraiment comprendre, je ne m’arrêtai de poser mes questions que quand il me donna une réponse qui puisse m'arrêter ou qui montrait qu’il était en colère comme mon papa et ma maman quand ils ne voulaient pas me répondre. Le plus souvent, ils me disaient que je comprendrais quand je serais plus grande, mais ça non plus je ne comprenais pas.

J’abandonnai totalement la question quand monsieur Kiyo me demanda si je voulais un tour de magie. Je répondis avec un oui très vite et en riant. Alors, il enleva son chapeau et, ne comprenant pas, j’allais lui demander pourquoi il faisait ça. Je n'eus pas le temps de le faire puisque deux oreilles de lapin se mirent à pousser sur sa tête. Je ne sus que dire au début et je finis par rire aux éclats en applaudissant. C’était trop bien ! Plus calme, je me mis à les toucher pour voir si elles étaient vraies. Est-ce que je pouvais tirer pour vérifier ? Je ne voulais pas faire mal au monsieur, mais comment savoir sans demander ? Je réfléchis tout en jouant, souriant beaucoup, et quand je pris une décision il était trop tard puisque monsieur Kiyo me dit que c’était vrai et que c’était son pouvoir. Trop bien ! Je continuai alors à jouer en silence jusqu’à ce que j'entende le magicien parler à un autre monsieur qu’il appela Inari. C’était lui son copain ?

Sans savoir quoi dire au début, je les regardai parler de moi tout en continuant de jouer avec les oreilles qui bougeaient. Au début, je ne compris pas pourquoi le nouveau monsieur ne voulait pas de moi si c’était moi qu’ils cherchaient. Puis, je retins une information : ils connaissaient peut-être mon papa. Ils cherchaient mon papa qui jouait à cache-cache. Penser à ça me fit oublier le reste. Je n'allais plus être toute seule car on allait retrouver mon papa. Monsieur Caïn avait dit qu’il allait le faire, mais si eux aussi le cherchait alors ils allaient peut-être trouver. J’avais espoir de le revoir au point de ne plus du tout écouter ce qui était dit. Je fus donc surpris quand on me prit pour me poser sur le sol. Mais je voulais pas moi… J’allais râler quand on me proposa d'entrer dans la voiture. Je regardai alors un peu les monsieurs avant d'aller avec monsieur Inari. Je m'assis et attends un peu avant de demander en souriant :



Mes yeux brillaient alors que j'attendais avec impatience une réponse. Je m'attendais à ce qu’il soit en colère au début, alors je souriais en pensant au fait que j’allais pouvoir revoir mon papa.

Le monsieur à côté de moi ne sembla pas content du tout. Mais au lieu de me gronder, il parla au monsieur qui était venu me voir et lui demanda ce qu’il m’avait dit. Il l’avait d’ailleur appelé d’une drôle de façon. Pourquoi il l’appelait pas “Kiyo” comme moi ? Et j’avais dit une bêtise ? C’était pas vrai qu’il aimait les garçons ? C’était pas bien ? Même monsieur Kiyo disait que c’était vrai. Mais en même temps il voulait rire, je l’entendais un peu. Je ne comprenais pas et quand monsieur Inari me regarda pour m’expliquer que son copain aimait lui faire des blagues, je fus un peu triste. Moi je voulais pas qu’on me dise des trucs pas vrai. Mais pour consoler le monsieur à côté de moi, je continuai de sourire et lui tapotai l’épaule. Je voulais faire sur le haut de sa tête comme on me faisait parfois, mais il était trop grand pour moi. Et en faisant ça, je me rendis compte qu’on m’avait pas dit s’il connaissait vraiment mon papa. Pourquoi ? Je ne savais pas trop si je devais insister, alors au lieu de ça je me mis à regarder le paysage de dehors. J’aimais beaucoup voir tout bouger sans que ce soit moi qui le fasse. C’était trop drôle !

Quand tout s’arrêta, je sortis de la voiture avec les deux monsieurs et me mis à regarder en silence la très grande maison devant moi. Elle ressemblait un peu à celle de mon papa. C’était trop bizarre de voir ça. En fait il m’avait ramenée chez mon papa ? Il avait retrouvé ma vrai maison ? Il l’avait reprise aux méchants qui étaient en colère contre mon papa ? J’avais beaucoup beaucoup de questions mais je n’arrivai pas à les demander. Les yeux grands ouverts et la bouche un peu aussi, je cherchais à savoir si j’avais raison. Je n’entendis pas les deux monsieurs avec moi parler ensemble. Je ne me rendis compte de l’absence de monsieur Inari que quand monsieur Kiyo me prit la main et m’emmena dans la maison.



J’avais posé mes questions alors qu’on entrait dans la maison, dans un grand salon noir et blanc. Tout me semblait grand comme avant. J’étais devenue petite même si j’avais fait beaucoup de dodos ? Mais maman et papa disaient que c’était le contraire, qu’avec beaucoup de dodos on était plus grand et qu’on comprenait mieux les choses ? Mais j’oubliai ça assez vite : assise dans le canapé par monsieur Kiyo, je vis un truc bizarre : un meuble bizarre avec des bâtons et une photo. Pourquoi c’était comme ça ?  Pourquoi il y avait une bande noire sur la photo ?  Comme le monsieur sifflait, je n’osais pas le couper, mais j’avais encore beaucoup de questions. Je les oubliai un peu quand je vis que monsieur Kiyo revenait avec de la glace comme il m’avait promit.



Toute contente, je souris beaucoup en prenant ce qu’il y avait dans la boîte. C’était tout froid et ça me fit rire. Puis, doucement pour pas me faire mal aux dents je croquai dedans. A la fraise ! Encore plus contente, je recroquai dedans en écoutant le monsieur qui s’assit à côté de moi avant de me demander si je savais ce qu’était un “Baku”. Je réfléchis un peu avant de répondre, fière de moi et ce que je disais :



En voyant que ma glace coulait sur mes doigts, je me mis à la manger pour que ça le fasse plus avant de demander au monsieur :