Minuit, une heure, midi, treize heures, quelle heure ? Angleterre, France, Japon, Chine, Brésil, enfin Suède. J’enchaîne les pays, les visites, les photos, les paysages. Pourquoi ce reportage ? Mon voisin, ma voisine, un siège vide, une hôtesse, un stewart... Je suis épuisé. Je n'aurais jamais cru qu'autant voyager puisse un jour autant épuiser quelqu'un. Ne jamais revoir son lit, toujours l'angoisse de la valise, de perdre mon équipement de super héros, mon matériel de journaliste. Pourtant, je continue, je n'abandonne pas. Un pays, une forêt de légendes. Brocéliande, la Forêt Repoussante, et maintenant la Forêt Pétrifiée au milieu des grands fjords suédois. J'en aurai vu du pays. Oh que oui. Mais là, on arrive au bout. Dernière escale avant mon retour à Laurel. Je pense que je demanderai une longue semaine de repos. Au pire, j'y aurai bien droit, non ? C'est pas comme si c'était reposant de voyager autant. Oh que non.
L'avion s'immobilise, les signaux lumineux s'éteignent, tout le monde s'agite, pressé de quitter l'appareil. Mon hyperactivité me démange, mais je reste en place, jouant nerveusement avec mes pieds, croisant et décroisant mes orteils dans mes chaussures. Qu'ils sortent. Vite là ! Je veux bouger, me bouger, courir.
Pour essayer de faire passer le temps, j'allume mon téléphone. Trois heures du mat'... Ils pouvaient pas nous faire arriver à une heure correcte ? Heureusement que mon hôtel a une chambre à code... J'aurais fait comment pour le check-in ? Tsss...
Je sors enfin, arrachant mon sac au casier au dessus de mon siège, un rapide salut de la main mon l'hôtesse. "Mercibonnenuitaurevoiràlaprochaine". Je trace, en profitant pour saluer les vents du coin. D'un rapide mouvement de la main, je redirige le courant d'air dans mon dos pour m'accélérer légèrement.
Puis on attend les bagages. C'est long. Si long. Trop long. Ils les ont pas perdus au moins ? Je les ai bien enregistrés ? Si ça se trouve je suis pas au bon point de collecte ? Si ? Si. Alors pourquoi ça fait deux fois que je vois la valise bleue et pas la mienne ? Et celle là, elle est pas déjà passée ? Et... Ah ! Je prends mon sac, et je me remets en course. Hop. Hop. Hop. Sortir, prendre un taxi. "Vous prenez la carte ?" Grogner. Aller à un distributeur. Prendre un autre Taxi... Connards. Pourquoi tu prends pas la carte ? Je charge mon sac, donne l'adresse de mon hôtel.
Une nuit, puis le train toute la journée. J'ai envie de sortir et de courir, de sauter dans tous les sens... J'arrive dans une ville au nom imprononçable, puis le bus... Et me voilà prêt à entrer dans le Padjelanta National Park. Arpès deux jours de calvaire à devoir attendre, patienter, rester assis ou allongé, je peux ENFIN me dégourdir les jambes à loisir. Je revérifie mon équipement, ma tente, mon sac de couchage, mon matelas, ma gunblade, mon costume de héros, mes gadgets, mes rations de survie... Je charge le sac sur mon dos, et... C'est parti.
Je m'engage sur les sentiers, à la recherche de la Forêt Pétrifiée, lieu où se cachent les Esprits de Suède. Ce que j'ai entendu partout ailleurs ne me rassure pas : la forêt serait devenue silencieuse.