André sourit lorsque la doctoresse complimenta Maryline. Oui, il l’aimait comme un dingue, c’était une chose assurée. Au moins une certitude réellement stable dans sa vie. Difficile à croire étant donné son passif, certes, mais pourtant tout à fait réel. Et le métis ferait tout ce qui était en son pouvoir – façon de parler – et même plus encore pour préserver ce noyau de bonheur qui l’aidait grandement à se sentir bien dans ses chaussures.

Puis, quelque peu gêné, il se racla la gorge et se passa une main dans la nuque pour tenter d’orienter le discours sur un nouvel axe.

« Il fait chaud ou c’est moi ? »

Tentative pathétique et ratée d’une plaisanterie. Lui-même s’en rendit compte et toussota pour reprendre son sérieux.

« Bon, je vais prévenir la population du c- »

Son idée était terriblement simple, grimper sur le rebord d’un lampadaire public et, à l’aide de son badge de police – qu’il baladait sur lui histoire de faire foi de sa profession, tout de même – faire comprendre aux civils que se mettre à l’abri dans les métros les plus proches. Ca paraissait être la solution la plus adaptée au problème présent.

Sauf que.

Avant même qu’il n’ait pu finir sa phrase, André sentit bien que quelque chose n’allait pas. Il n’entendait plus rien. Réellement, plus rien. Ramenant ses mains à ses oreilles, il constata qu’il n’était, apparemment, pas le seul dans ce cas de figure. Il apparaissait que c’était général comme situation. Et ça, c’était une très mauvaise situation. Car fatalement, les gens se mirent à paniquer dans tous les sens, se bousculer et tout le toutim.

Et même si André avait une certaine force, ce cas de figure le dépassait et de bien loin.

Il se fit renverser par un type courant de façon aléatoire et un autre lui enfonça même –involontairement- son talon au milieu du torse, en plein sur la cage thoracique. Il en eut le souffle coupé mais se releva presque aussitôt après, se tenant le thorax. La foule était de plus en plus agitée et lui ne pouvait rien faire à sa mesure. Alors, sans lui demander son avis, André pensa d’abord à protéger la femme médecin devant lui.

Il la porta comme une princesse et grimpa sur un petit promontoire ou il l’a déposa. Ici, au moins, ils seraient un peu plus en sécurité. Et puis ils pourraient évaluer la situation d’un œil surélevé ce qui n’était pas un mal.

Puis, le métis se retourna et hurla par réflexe le nom de Maryline… avant de se gifler tout seul, réalisant qu’elle ne risquait sans doute pas de l’entendre. Il ne distinguait aucun visage connu dans cette cohue pour le moment. Ca l’inquiétait. Il ne pouvait que prier pour que tout aille bien pour les autres…




 

 

André n’aimait pas ça. De base, être privé de l’un de ses cinq sens n’était jamais une expérience agréable mais là, les instincts du métis étant rehaussé par ses apparats lupin, la chose en était encore plus délicate. Et puis même, voir toute cette foule s’agiter alors qu’il ne pouvait rien faire pour remédier à la peur de tous le rendait nerveux. Il tachait d’essayer de réfléchir, de rassembler ses idées, mais c’était plus simple à dire qu’à faire. Beaucoup plus simple. La pratique était de toute matière plus compliquée que la théorie, ce n’était pas nouveau pour un sou, tout ça.

Ce n’est que lorsque la doctoresse se mit à faire de grands signes en direction de la masse grouillante qu’André prit le temps d’observer un peu mieux. Là, dans la foule, se trouvait Mischa. Sa tête blonde avait au moins l’avantage, en cet instant crucial, d’être facilement repérable. Le métis fit un signe de tête à sa camarade d’infortune, indiquant qu’il avait bien comprit. Puis, usant de son téléphone portable, il tapa un message avant de lui présenter l’écran de l’appareil.

[Je vais tâcher de contacter mon cousin pour le faire venir vers nous, plus vite on arrivera à se rassembler et plus vite on pourra agir en conséquences !]

Oui, il croyait vraiment, en prime. André était ainsi. Nul n’aurait su dire d’où lui venait cette soudaine motivation mais il savait cependant une chose, il ne se laisserait pas impressionner par les événements de ce soir. Il combattrait.

 

 

La situation était de plus en plus problématique. Et pourtant, la foule commençait doucement à se dissiper, ce qui restait une chose positive dans ce merdier géant. Non pas que les gens étaient plus calmes, loin de là, mais au moins on commençait à entrevoir quelque chose au cœur de la Grand Place. André reçu un sms de la part de Mischa qui lui signifiait, d’une part, qu’il était avec ‘Elli’ – il en eut un frisson de dégoût – et d’autre part… qu’il avait perdu Marilyne de vue. Bon. Le métis se jura qu’il allait lui refoutre les idées en place avec un coup bien senti sur le système cognitif… plus tard. Il inspira puis expira. Sa petite-amie était débrouillarde, il ne devait pas s’inquiéter de trop, elle aurait trouvé le moyen de mal le prendre, en prime.
Et puis, alors qu’il répondait à l’autre crétin blond, une odeur lui chatouilla les narines, suffisamment pour qu’il s’y arrête un instant. C’était très léger, mais ses sens un poil plus développé que ceux d’un humain de base parvenait à capter la fragrance qui l’agressait alors. On aurait dit…. Une odeur de métal chaud. C’était très désagréable. Mais d’où venait-elle, en prime, cette senteur ? Il n’aurait pas su le dire, même s’il tâchait de se concentrer dessus.

Une idée saugrenue lui vint alors.

Reprenant son portable, avant de renvoyer un texto à son cousin, André montra un message à la doctoresse.

[Je ne sais pas si c’est pareil pour vous, mais je sens une odeur étrange, qu’il n’y avait pas avant. On dirait du métal chaud. Je vais essayer de localiser l’épicentre en me concentrant dessus.]

Puis il.. ferma les yeux. L’idée était de se priver d’un sens supplémentaire afin de rendre son odorat encore plus aiguisé. Au plus il serait ‘amoindri’ et au plus il aurait de chance de vaincre ou, au moins, d’être utile aux autres. Et, effectivement, en faisant abstraction des sons et des images, André fut en mesure d’identifier l’épicentre de cette odeur.

Ainsi, tendant son bras droit vers ledit point, il espérait ainsi donner une indication à ses camarades en mesure de le voir afin de mettre un terme à ce qui lui semblait être une menace, d’après son instinct. Et depuis le temps, il avait appris une chose essentielle : en terme de menace, son instinct de loup se trompait rarement.


 

 

André avait sincèrement pensé que son plan pourrait fonctionner, qu’il avait une chance de parvenir à ses fins. En soit, il n’avait pas spécialement eut tort d’agir de la sorte car à présent, il avait la trace olfactive de ce qui les attaquait. Certes, il n’entendait toujours rien, mais au moins avançait-il dans la recherche de preuves. Et là se démarqua le motif de son imbécilité, justement. Trop égoïstement, le métis avait cru que leur adversaire, quoi qu’il puisse être, se laisserait gentiment pister, sans réagir outre mesure.

Grave erreur.

En sentant un mouvement de vent prêt de lui, d’instinct, André rouvrit les yeux. Il remarqua à ce moment-là l’absence d’Isatis, remplacée par un colosse en armure. Notre homme n’eut même pas le temps de lever la tête qu’il se fit envoyer dans le décor lui aussi. Son dos heurta un lampadaire avant qu’il ne vienne s’écrouler sur le sol de bitume, sonné. Il n’aurait pas su dire ce qui lui fait le plus mal, le coup d’estoc porté à son thorax déjà bien amoché par le type qui lui avait marché dessus un peu plus tôt ou le mobilier urbain dans son dos.

Quoi qu’il en soit, André voulut agir, se transformer pour lutter. Déjà, il n’y avait plus personne sur le promontoire de fortune ou il était parti s’isoler avec Isatis. Merde. Quoi qu’ait pu être cette chose, elle était rapide. L’expatrié entama une transformation mais fit à nouveau une erreur. Son corps humain commençait à perdre connaissance. Il sombre dans l’inconscience alors que la part lupine, en lui, venait tout juste de s’éveiller.

Désormais, au milieu de la place, un loup d’environ deux mètres au garrot montrait les crocs, prêt à tout déchiqueté. André n’était momentanément plus là.


 

 

La bête blanche n'appréciait guère ce nouveau venu sur son territoire. Entre ça et l'affreuse odeur ferreuse qui lui envahissait les narines alors qu'il se retrouvait dépourvu de son ouïe, l'animal n'était pas ce qui pouvait se rapprocher d'une humeur 'zen'. Bien au contraire, d'ailleurs. Grognant d'instinct, il se jeta, un peu gauchement sur la créature recouverte de métal en face de lui et s'employa à le mordre, encore et encore. Problème, ses crocs ne rencontrait que du solide, de la résistance. S'il laissait quelque chose derrière le passages de ses dents, ce n'étaient rien de plus que des égratignures sur la carapace froide. Rien de plus.

Il fut même envoyé à travers scène, non sans un coup bien placé dans les cotes qui le fit glappir, même s'il n'entendait rien de ses propres suppliques. Cependant, l'instinct actuellement en faction dans le crâne du lupin n'était autre que celui de l'alpha. Et on ne contredit pas un alpha, c'était une mauvaise chose, de mauvaise augure.

Montrant les crocs, la bête, sans prêter attention davantage au lion près de lui ou au reste, se rua une fois encore sur la silhouette en armure, plantant ses dents là ou ses sens affuté avaient découvert une potentielle ouverture. Bien sur, il se fit encore une fois rejeté en arrière, d'un simple coup d'épaule. Pourtant, cette fois, dans sa gueule était resté un morceau de métal. Le loup lâcha sa prise, observant le résultat de son assaut précédent. Un omoplate d'une couleur singulière était maintenant presque découvert.

Son regard croisa celui du géant de métal qui tenait toujours Isatis. Il fonça sur lui, encore une fois.