La madame qui m’avait aidée dans le matin pour sauver un chat m’avait aidée à rentrer à la maison. Je lui avais alors dit au revoir avant de vérifier  si tout était encore à sa place. Je pris mon temps, fatiguée par ma nuit blanche et ce début de journée qui n’avait pas été de tout repos, sortant puis rangeant chaque objet qui aurait pu disparaître à mes yeux. Puis, j’enlevai mes bottes, mon manteau, terminant par le serre tête que je mis sur une de mes peluches et fini par ma petite robe blanche pour mettre mon pyjama sans me rendre compte qu’il était à l’envers. Puis, j’allai sous le lit, dans mes couvertures pour avoir chaud, et m’endormis très vite.

Pendant qu’Abigaïl dormait, dans les vieux quartiers, un homme était arrivé pour essayer de se faire connaître. Il faisait partie d’un groupe qui commençait seulement à s’installer en ville mais n’était pas à l’aise avec le fait de n’être qu’un membre en bas de la hiérarchie. Alors, pendant une excursion, il s’était détaché des autres afin de faire bande à part. Tout ce qu’il voulait c’était qu’on reconnaisse sa valeur pour qu’il puisse monter en grade. Pour cela, il fallait avant tout qu’il prouve qu’il savait se battre et se défendre. Pour cela, il alla à un combat de rue organisé autour de paris et de règles. Ce n’était pas vraiment ce qu’il cherchait puisqu’il préférait quand il pouvait faire ce qu’il voulait. Mais comme il n’y avait rien d’autre aux alentours, il finit par s’inscrire pour se battre. Pendant de longues heures avec quelques pauses, il se battit contre des personnes de son niveau. Puis, arriva un “champion” . Quelques coups furent échangés et mirent presque l’homme à terre. Ne voulant absolument pas perdre, il tricha de façon discrète en jetant du sable dans les yeux de son adversaire penché sur lui et le battit, gagnant de cette façon l’argent des paris. Ou une partie au moins. Fier d’avoir gagné un peu de renommée, il partit en comptant ce qu’il avait gagné. C’était sans compter un témoin de sa triche qui l’amena à être poursuivie par les combattants réclamant justice. Ne voulant pas reconnaître son erreur, il partit se cacher dans un entrepôt abandonné pour les semer.

Du bruit me réveilla. J’ouvris vite les yeux sans comprendre ce qu’il se passait. Dango vert dans les bras, je pris le temps de reconnaître le dessous de mon lit où j’étais cachée avant de me retourner. Je vis alors deux pieds marcher dans ma maison. Croyant que c’était monsieur Caïn que j’avais amené ici une fois pour lui montrer ma maison, je sortis de ma cachette, le sourire aux lèvres. Mais ce n’était pas lui. L’homme en face de moi était grand, fin mais costaud. Il avait une peau foncée et des yeux bleus très bizarres, comme s’ils brillaient, et qui me faisaient peur. Mais ce qui était le plus inquiétant était sans doute toutes les blessures qu’il avait au visage et ailleurs. Malgré ça, je souris à nouveau en lui demandant :



En colère, l’homme me cria dessus pour me demander de me taire. Ne comprenant pas et parce que j’avais peur, je sentis les larmes venir. Je tentai de me retenir, mais plus l’homme criait, plus je pleurais. Il finit alors par me taper. Pour me protéger, sans pouvoir aller sous mon lit parce qu’il me tenait, je me mis en boule en protégeant comme je pus ma tête et mon ventre. Je hurlai à chaque coup et sanglotait toujours plus entre deux. Cela ne faisait qu’énerver le méchant qui voulait que je me taise, je sois pas vilaine. Mais j’avais rien fait de mal. Je ne comprenais pas et c’est ce qui me faisait peur dans la situation dans laquelle je me trouvais. En plus, je n’avais personne à appeler pour me sauver, ce qui me rappela les mots de madame Kaga. Elle m’avait dit qu’il n’y aurait pas toujours quelqu’un pour m’aider. J’étais triste. Je voulais ma maman et mon papa. Je voulais qu’ils arrêtent qu’ils jouent à cache-cache. Je voulais qu’ils m’aident. Mais personne ne vint. J’étais toute seule et j’en avais trop peur !

Un très gros bruit me fit crier encore plus fort alors que mes mains qui protégeaient ma nuque allèrent se poser sur mes oreilles. J’avais horreur de ce genre de bruits que j’avais entendu quand maman m’avait demandé de me cacher. Depuis, elle était plus là et ça me faisait peur. Personne n’était plus là et j’avais très mal, très peur… Je n’avais rien fait de mal pourtant ! J’étais dans ma maison, en sécurité ! C’était lui qui était venu et maintenant il me tapait ! Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?!

Après un peu de temps, les coups s’arrêtèrent d’un seul coup. Je ne compris pas du tout ce qu’il se passait et tout ce que je sentis c’est un geste très différent de tout ce que j’avais eu depuis mon réveil. C’est une main que je sentis sur mon épaule. Une grande main qui ressemblait à celle de mon papa. Je me sentis me calmer doucement en sentant une chaleur douce et qui aidait à ne plus être triste m’envelopper. Une voix s’éleva aussi. L'homme ne criait pas et me dit des mots que j’avais attendu. C’était mon papa ? Non, ce n'était pas la même voix. La voix de mon papa était différente. Mais les mots étaient pareils. Alors, pourquoi il partait ? Pourquoi il ne restait pas avec moi ?En ouvrant un peu les yeux, je vis que l'homme était différent. En fait, il était couvert de tissu blanc. Il était blessé partout ? Il avait mal ? Si oui, pourquoi il m’aidait ? Parce que j’avais fait du bruit ? Je ne compris pas trop, mais je ne m’attardai pas là. J’avais beaucoup trop peur pour réfléchir. Je voulais me cacher et c’est ce que je fis, rampant jusque sous mon lit. Là, je me mis contre le mur, pris mes peluches pour qu’elles m'entourent toutes comme si cela pouvait me protéger, l’une d'elle serrée contre mon coeur. Puis, nerveusement en écoutant ce qu’il se passait “dehors”, je me mis à gratter mon avant-bras gauche dans faire attention à si je me blessais ou non.

La voix de l'homme qui avait été gentil se fit dur et effrayante. Il ne me parlait pas, j’en étais sûre. Mais je me recroquevillai sur moi-même en l’entendant, comme si je sentais qu’elle pouvait me faire mal. Encore plus quand il cria. Je me retins alors de pleurer et de crier, m'aidant de Dango vert en le serrant contre le bas de mon visage. J'entendis alors des bruits de coups résonner autour de ma maison. Cela dura plusieurs minutes sans que je sache ce qu’il se passait. Je voulais aller voir pour que le gentil monsieur ne me laisse pas seul comme l'avait fait ma maman. Mais j’avais trop peur pour bouger. J’étais beaucoup trop partagée dans mes envies et sentiments pour bouger de là où j’étais. Grattant toujours mon bras qui commençait à me faire mal tant mes ongles brûlaient ma peau, je ne m’arrêtai que quand le silence revint. Je ne pus pourtant pas sortir de ma cachette. Et si c’était le méchant monsieur qui avait gagné. Il allait revenir me taper ? Et si c’était le gentil monsieur ? Qu'allait-il se passer ? Comme je ne comprenais pas du tout ce qu’il s’était passé, je n'arrivais pas à savoir ce qui pourrait se passer si je faisais quelque chose. Alors, je restai là en pleurant silencieusement, mes hoquets étouffés par ma peluche.

Je fixai ce qu’il se passait devant mes yeux, au niveau du sol. Je guettai tout danger qui pourrait arriver pour pouvoir me protéger comme je le pourrais. Franchement, sans doute que je n'aurais pas pu faire quoi que ce soit contre ces adultes. Alors quand je vis deux grands pieds s'approcher un peu je me remis un peu à paniquer, donc à gratter un peu plus mon bras même si j’avais très mal. Plus que me soucier de la peau que je m’arrachais, je regardais avec attention ce que faisait l'homme, où il allait et ce qu’il pouvait dire. Je ne savais pas du tout si c’était le gentil ou le méchant. Je ne savais pas si on allait me faire mal ou non. Même quand il s'assit contre la commode, un peu derrière la table qui était au milieu de ma petite maison, à ma gauche, je ne pus le savoir. Tremblante, je ne bougeai donc pas en espérant que tout irait bien. Puis, je l’entendis parler. Je reconnus facilement la voix qui m’avait rassurée un peu avant. Une voix chaude et gentille qui disait pareil que mon papa sans lui ressembler. Même après avoir battu le méchant, il disait des paroles de mon papa qui jouait à cache-cache. Il me demanda même pardon d'avoir crié avant d'expliquer qu’il était en colère contre le méchant monsieur parce qu’il m’avait fait bobo.

Malgré ses mots, je ne sortis pas tout de suite. Je voulais avant ça regarder si c’était vraiment lui et s’il n'allait pas s’énerver lui aussi. Je voulais qu’il soit gentil et je voulais qu’il me console, mais j’avais peur parce qu’un méchant était venu me taper sans raison. Je n’avais rien fait de mal pour qu’il me tape… Je ne voulais pas que ça recommence. J’attendis donc qu’un indice me montre que je ne me trompais pas. Et c’est en voyant des bandes de tissu blanc que je sus que c’était bien lui. Je sortis donc doucement, tremblant toujours un peu. Il avait un nouveau tissu sur le visage et l'autre était tâché de sang. Il le rangea dans une de ses poches alors que je me levai enfin pour lui faire face, une peluche en forme de chat gris et blanc à taille réelle serrée dans mes bras. Puis, doucement, je m'approchai de lui et commençai à tendre ma main vers son visage avec hésitation. Avant que je puisse le toucher, il répondit à au moins une de mes questions muettes : il n’avait pas mal. Il dit avoir fait des bêtises avant de me demander si je vivais seule ici. Triste, le cœur lourd, de grosses larmes mouillèrent à nouveau mes joues rougies et je tendis les bras pour qu’il me prenne dans ses bras. Je ne pouvais pas répondre comme je le faisais normalement. Des sanglots menaçaient de sortir, mais je voulais être en sécurité pour ça. Quoi de mieux que les bras d’un adulte pour me protéger du dehors ? Mais comme il ne se passa rien au début, je finis par lui demander d'une voix tremblante, serrée par la boule dans ma gorge qui mençait d'éclater à tout moment :



Il accepta et me serra dans mes bras. Là, je mis mes bras autour de son cou et me mis à pleurer beaucoup et fort sans arriver à m'arrêter. Ce n'est qu'après un très long moment que je finis par me calmer, même si je ne lâchai pas le gentil monsieur pour autant. Suçant mon pouce, je posai le côté de mon œil sur son épaule, essayant de me calmer encore un peu malgré que j'avais bobo et toujours peur. Peur qui me faisais trembler un peu sans que ce soit très visible.

Le monsieur qui avait accepté de me prendre dans ses bras ne me lâcha pas. Au contraire, je sentais la sécurité m’envelopper comme si c’était mon papa ou ma maman qui voulait me consoler. C’était doux, plein de chaleur, même si je pleurais beaucoup. Le méchant m’avait beaucoup tapée parce que je faisais du bruit et il avait crié aussi. Le gentil monsieur ne faisait pas ça. Il ne faisait pas bobo et sa voix n’était pas beaucoup élevée. J’avais plus envie qu’il parte et me laisse toute seule. Je voulais qu’il reste pour me protéger des méchants et continue de me chanter de belles chansons. J’aimais beaucoup celle qu’il chantait tout doucement. Je ne comprenais pas trop les paroles, ce que tout ça voulait dire, mais ce n’était pas grave. Je voulais juste qu’il ne s'arrête pas. Alors, même quand je me fus un peu calmée, suçant mon pouce par réflexe, je ne bougeai pas beaucoup. Même quand il me caressa les cheveux, je sentis mes yeux se fermer un peu. J’avais encore envie de faire dodo. Mais je me forçais à rester réveillée. J’avais trop peur qu’il arrive encore quelque chose. D’un autre côté, je ne pouvais pas le forcer à rester ici et il fallait que j’attende ma maman. Que devais-je faire ?

Il se fut passé beaucoup de temps quand le monsieur voulut regarder mon bras. Comme c’était celui où je suçai mon pouce, je râlai un peu au début avant de le voir sortir un tissu blanc. Curieuse, je le regardai dérouler le rouleau avant de le regarder dans les yeux. Sa peau était toute frippée et marron. C’était trop bizarre ! Je regardai alors mon bras et je compris ce qu’il voulait faire et pourquoi. Alors, je mis mon autre pouce dans la bouche et lui tendis timidement le bras devant moi pour lui montrer, sans me décoller de lui.C’est comme ça que je pus le voir mettre le tissu autour de mon bras. J’étais toute petite par rapport à lui, c’était bizarre. Dans un autre moment, j'aurais ri, mais là je n’y arrivais pas. Je voulais encore pleurer, mais je n’y arrivais plus. Je regardai donc avec beaucoup d'attention tous les détails, tous les gestes… Je n’avais plus peur de lui. Il était beaucoup trop comme papa. Enfin, sans les tissus blancs.

Quand il eut fini, je regardai le monsieur et demandai, enlevant mon pouce de ma bouche juste le temps de parler d’une toute petite voix :



Je voulais qu’il dise oui et non en même temps. Que dirait maman si elle le voyait avec moi à la maison ? Et papa ? Qu’est-ce qu’il dirait ? Je ne voulais pas qu’il ait mal à cause de moi...

Le monsieur me regarda un peu avant de répondre à mes questions. Ses yeux montrèrent qu’il était triste. Mais pourquoi ? Il ne pouvait pas ? Et si je promettais d’être sage ? Beaucoup de questions me vinrent les unes après les autres alors que je continuais d'espérer qu’il allait dire oui. Au début je crus que c’était bon, que je m’étais trompée parce qu’il me dit qu’il pouvait. Le “mais” me fit perdre le peu de joie qui était revenu. Il allait devoir rentrer chez lui. Son papa et sa maman allaient s'inquiéter sinon ? Ah non… Mais c’était quoi une “obligation” ? Pourquoi ça l'empêchait de rester avec moi ? Je voulais lui demander. Je voulais savoir pourquoi ce que je voulais était impossible. Il fut trop rapide, me demandant avant si je n’avais nul part où aller, autre que ma maison. Doucement, je baissa mes yeux brillants de larmes vers le sol. J’attendis un peu pour réfléchir avant de secouer doucement la tête de droite à gauche en gardant mon pouce dans la bouche. Il me fallut un peu plus de temps pour que je puisse parler d’une voix toujours obstruée par la grosse boule dans ma gorge :



En relevant un peu les yeux, je vis ceux du gentil monsieur regarder tout autour de nous. D'abord il regarda vers la petite table ronde au milieu de la maison sur laquelle je dessinais souvent, puis tournèrent vers le lit jusqu’à se lever au-dessus de lui. Il dû voir le pot de maman parce qu’il me dit de le cacher pour éviter que les méchants viennent. Puis, avant que je puisse vraiment faire quelque chose, il me demanda si sur mon dessin c’était moi et mes parents que j’avais fait. Je fis cette fois signé que “oui”, c’était papa et maman. Je me détachai alors de lui un peu, sans m’éloigner, et retirai mon pouce pour tenir un pan de la manche du monsieur. Puis, je lui répondis doucement en montrant de loin chacun de mes dessins :



On ne sentais aucune fierté dans ma voix, seulement que j’essayais de ne plus pleurer du tout. Avant j'aurais été plus joyeuse. J'aurais souri et j'aurais fais de grands gestes en courant partout. Mais je ne me sentais pas de le faire du tout. J’avais envie sans pouvoir. Alors, doucement, je demandai sans oser regarder plus de quelques secondes le monsieur dans les yeux :



Je voulais le mettre là où personne le verrait : sous le lit avec mes peluches.

Le monsieur m’avait tout de suite donné le pot de ma maman et m’avait laissé le cacher comme il me le disait. Il était gentil le monsieur. Je ne voulais pas du tout qu’il parte et qu’il me laisse toute seule. Moi je voulais qu’il reste ici. Il m’avait dit qu’il ne pouvait pas tout le temps. Un peu comme monsieur Caïn, en fait. Sauf que c’était moi qui était partie parce que j’avais eu beaucoup beaucoup peur de son rêve. Pourtant, monsieur Caïn était un gentil monsieur, comme le monsieur avec moi. Mais ils n’étaient pas pareils.

Quand le pot de ma maman fut caché derrière toutes mes peluches, contre le mur, je sortis doucement pour ne pas me cogner. Je le faisais beaucoup quand je me réveillais. Je ne faisais pas attention, donc c’était ma faute. Enfin, je crois ? Avant de venir vers le monsieur, je vis monsieur lapin blanc dans ma couverture. Assise sur mes genoux, je le pris dans mes bras et le serrai fort avant de venir devant le monsieur avec les bandes sur le visage. J’avais mis mon pouce dans la bouche et m’étais assise sur les genoux du monsieur pour qu’il me prenne encore dans ses bras.

En entendant sa voix, je le regardai dans les yeux. J’écoutais bien pour comprendre ce qu’il me disait parce qu'il me posait des questions. Je devais répondre. Surtout qu’il disait que c’était important. Quand c’était important il fallait dire les choses. Ça, c’était mon papa qui me le disait. Alors, je réfléchis un peu. L’école me disait quelque chose et je devais savoir quoi. En me rappelant, je regardai le monsieur pour lui dire doucement, après avoir enlevé mon pouce de la bouche que je mis sur mon lapin pour le serrer plus fort :



Parler de tout ça m’aidait beaucoup à ne pas penser à mes bobos. Ça piquait et brûlait. J’aimais pas ça du tout. Mais je devais être forte comme mon papa. Mon papa il pleurait pas parce qu’il avait bobo. Le monsieur non plus. Alors je ne devais pas le faire non plus. Quand je serais toute seule seulement. Comme ça mon papa et ma maman seraient contents parce que j’étais une gentille fille.